E. du Perron
aan
C.E.A. Petrucci

Brussel, 6 oktober 1922

Bruxelles, 6 Octobre

Ma chère Clairette,

En hâte trois lignes pour vous dire que je viens de recevoir votre lettre et que (surtout avec vous!) je ne suis pas si entêté que ça.

Je vous écrirai longuement bientôt; demain peut-être.

Mais je me hate de vous demander pardon pour tout le mal que je vous ai involontairement causé, car après votre explication je m'en rends compte un peu. Ma chère Clairette, je regrette rudement de ne pas pouvoir venir en Italie. D'ailleurs je ne serais plus le bienvenu, probablement?

Seulement je voudrais avoir des détails. Comment a-t-on fait pour faire la population méfiante de vous? A-t-on crié l'affaire partout dans les villages? Ma foi, Clairette, laissez-moi vous le dire alors, pour ne pas l'avaler tout à fait, mais en ce cas votre directeur est non seulement un goujat mais un véritable fripon et un lâche. Il est vieux dites-vous? Ça me gêne. Ecoutez, voulez-vous que je fasse le lâche moi-même, ou le sage, comme vous voulez? - car très souvent c'est la même chose. Je le ferai pour vous, croyez-le, et...... en vrai pénitent.

Ce directeur - puisqu'il vous fait lire ‘notre’ correspondance - m' a écrit de façon très.... croquemitaine. Il me demandait de tenir ma promesse et de me tenir à sa disposition en janvier ou février pour lui donner satisfaction. Et ensuite il m'a envoyé quelques jolis noms italiens.

Il avait donc envie de m'abimer, ce monsieur. Je lui ai déjà répondu, il n'y a rien à faire à cela. Mais depuis une semaine il n'écrit plus. J'ai donc préparé hier soir une lettre que j'avais voulu recommander aujourd'hui. Si je déchire cette lettre et si j'avale ses beaux noms italiens - attendez, je suis ‘il pioggi dei vigliacchi’ et ‘un mascalzone’ (il écrit assez et vous connaissez mon érudition italienne) - si j'avale tout ça sans protester, seriez-vous contente? Dites; je ferai tout ce que vous me conseillez -; puisque je fais tout de travers.

Que voulez-vous, Clairette, j'ai dans ma tête peut-être un code d'honneur qui n'est pas de nos jours, qui me fait fou et stupide, tout ce que vous voulez, mais vous savez que je vous aime et que pour vous je veux bien être ‘sage’, même quand je me trouverai autrement.

Ce qui me donne à penser c'est ce que vous m'écrivez de la méfiance autour de vous. Je n'ai pas pu prévoir cela! Vous allez vous taire, dites-vous; mais si vous m'aimez un peu, écrivez-moi s'il arrive quelque chose? Je viendrai tout de même comme le fou romanesque que je suis. Il s'est passé ici aussi des choses embêtantes, mais je vous raconterai cela. Votre lettre ‘perdue’ est en ma possession depuis dix jours; consolez-vous à cet égard. Je vous en reparlerai. J'espère que maintenant vous serez un peu reconciliée avec moi et que vous ne devez plus tâcher de ne pas m'en vouloir. Après cet intervalle je vous embrasse, avec... faim,

Votre

Eddy

Ma chère Clairetty, votre air de martyre fatiguée ne vous va pas du tout, savez-vous? Soyez plutot la reine puissante, quoique je la... déteste! (Dernière réflexion)

Origineel: particuliere collectie

vorige | volgende in deze correspondentie
vorige | volgende in alle correspondentie