E. du Perron
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Evelyn Blackett

Lugano, 25 december 1929

Lugano, 25.12.29.

Chère Eveline,

J'ai reçu vos deux lettres, à Paris et ailleurs. Je puis facilement vos dire que tout est bien, car je suis à me demander pourquoi tout ne le serait pas. - Il y a quelques jours seulement, j'ai revu, à Ascona, Holst, qui m'a fait part de votre correspondance ratée et qui m'a donné les poèmes chinois, dont je vous remercie. ous y avez mis une bien jolie dédicace; je pense que c'est ce qu'on appelle de l'humour (britannique).

Mais sérieusement: ne ‘construisons’ rien du tout, ou ne vous imaginez pas qu'il y ait entre nous quoi que ce soit à construire. Quand vous aurez cessé d'être vierge, vous verrez plus clair en beaucoup de choses et vous rierez, comme moi, de cet Idéalisme qui mène à des petits jeux plutôt sâles et tout à fait pauvres. Que vous aimiez cela - ou qu'on aime cela chez vous (en Britannie) - soit; que vous faissiez passer cela pour d'Idéalisme, c'est par trop réjouissant. Je serais resté avec plaisir votre ami, sans cette complication-là maintenant, mieux vaut renoncer, croyez-moi. Le ‘Javanais’ que je suis n'a rien à dire à la ‘Britannique’ que vous êtes, et quant aux conversations littéraires, je vous ai dit que je préférais m'en passer après l'autre correspondance.

- D'ailleurs, si je vous dois un conseil (littéraire): voici. Ecrivez votre roman, ou autre chose, mais écrivez directement, - quitte à déchirer plus tard ce qui ne plus plairait pas. La correpondance, telle que vous la pratiquez - car je suppose que n'est pas pour moi seul que vous épistolez avec tant d'ardeur - c'est encore de la masturbation, - une masturbation d'auteur, cette fois-ci.

Vous me supposez ‘hurt’; ce n'est pas vrai, ou peu. Je l'ai été un instant, à Oxford; parce que toute cette ‘politique’ ne m'avait prouvé qu'une seule chose: vote besoin de ‘jouer’ et votre absence totale même d'amitié. Vous croyez que c'est fort ce que vs avez fait, et vous n'avez éte que vaine et calculée. - C'était pour moi, pour l'ami aussi, une petite désillusion. - Mais lorsque le train quittait la gare, je voyais déjà tout comme une ‘aventure’ - amusante, après tout; de quoi faire un conte plutôt de faire un roman. Voyez-vous le petit côté calculateur que j'ai aussi moi? - Mais aussi: c'était clair pour moi, et ça l'est de toujours, qu'il ne fallait rien continuer. Si vous étiez moins jeune, moins ... ardente, vous penseriez comme moi. J'espère que vous le pensez à présent.

Mes amitiés à Mlle Molino, ma main pour vous.

E.

Origineel: Den Haag, Letterkundig Museum

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