E. du Perron
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Pedro Creixams

Lugano, 12 augustus 1924

Lugano, 12 Août '24

Mon cher vieux Pedro,

Que deviens-tu? Ma foi, tu pourrais être mort ou Président de la République à l'heure qu'il fait sans que je le sache. Dès que tu auras cette lettre, écris-moi! Mon adresse: Kurhaus, Monte Brè, Lugano (Suisse). Je me trouve ici, probablement pour six semaines, pour y soigner un poumon plus ou moins caduc, - bains de soleil et autres ‘fastes’. Ne crois surtout pas, mon vieux, que je t'ai oublié; rien ne serait plus injuste à mon égard. J'ai souvent et même beaucoup pensé à toi, parlé de toi; seulement je suis un peu comme Pia: je déteste de plus en plus écrire. à propos: comment va ce cher Pia? Les dernières nouvelles que j'ai reçues de lui étaient peu rassurantes = il était à l'hôpital militaire à Laveran et avait des fièvres de 400. C'était au commencement de juin que j'ai reçu sa dernière lettre; je lui ai immédiatement répondu mais n'ai pas reçu de réponse. Ceci m'inquiète un peu. N'oublie donc pas de m'écrire comment il se porte à présent, d'après ce que tu en sais.

J'insère ici une coupure de journal, j'ai trouvé cela (moi qui ne lis jamais les journaux) à Locarno. Lis cela. Est-ce de ton copain Malraux qu'il s'agit? Je sais bien qu'il s'appelle André Malraux - mais il se peut bien qu'on ait intentionnellement changé un peu le nom pour être agréable à la famille. Si je me rappelle bien tu m'avais dit qu'il était au Cambodge, en compagnie de sa femme (dont tu m'as dit le plus grand bien.) Je suis moi-même comme tu sais un peu voleur, ceci m'intéresse par conséquent.

Autre chose, autre question (je suis insatiable ce soir): Comment va Germaine? Elle est devenue l'épouse loyale du bien-dévoué monsieur Jean?

Et comment va Mourri, celui que tu appelais avec volupté ton ‘cabot’? Et comment va ma bien chère tante Madeleine? Celle-là, si tu ne l'embrasse pas avec chaleur pour moi - mon vieux Pedro, je te traîterais de jaloux! Or, tu sais que rien n'est plus indigne d'un hidalgo qui se respecte que la jalousie et vices apparentés.

Donc, résumons, n'est-ce pas?

1. Comment vas-tu (et ton travail)?
2. Comment va ma tante?
3. Comment va Pia?
4. Comment va Germaine?
5. Comment va Mourri?
6. Comment va Malraux?

Si tu m'as répondu à tout cela je pourrai peut-être de nouveau dormir en paix. En attendant je te tape sur les épaules (durement!) et te pince les mains.

Bien ton

Eddy

Origineel: particuliere collectie

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